Edito de la semaine : la prison

 

Détenu.e tu as troqué tes droits contre une vie de délits et de crimes.
Tu es parfois emprisonné sans avoir encore été jugé.
Tu devras te serrer dans ta cellule - il y a plus de 192 détenus pour 101 lits disponibles dans le centre pénitentier où tu vas purger ta peine. Rien d’étonnant, la population carcérale a augmenté de 31,5 % en vingt ans, passant de près de 48 000 au 1er janvier 2001 à près de 70 000 à la fin de l’année 2021.
C’est ce qu’on peut lire dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements et les manquements de la politique pénitentiaire française publié le 12 janvier 2022.

Tu vas bientôt t’en rendre compte que la politique carcérale en France est un échec, tu vas l’éprouver physiquement même.
Tu vas faire la connaissance d’une société dans une société : pénétrer dans un temps mou, rythmé par des moments répétés à l’infini : repas, promenade, douche… froide et moisie pour la plupart.

Des conditions de détention exacerbées pour les prévenus qui attendent leur jugement en écopant déjà d’une peine : celle de vivre dans la surpopulation et la promiscuité, sans permissions de sorties, sans possibilité de téléphoner, sans activités culturelles, sportives, de formation ou de travail.

Et une fois condamné, je ne te parle pas de l’isolement disciplinaire…
Vivre seul dans un univers de 8 m² tout entier fait de béton, au mobilier scellé au sol, à l'éclairage artificiel allumé en permanence. Des personnes à qui l'on interdit de rencontrer qui que ce soit pendant des mois - voir jusqu’à une année entière.

Qu’il soit voulu ou subi par le détenu, l’isolement a de sérieux impacts sur sa santé mentale, somatique et son bien-être social. C’est ce qu’on peut lire dans le 21e rapport général d’activités du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) publié en 2011.

Il est inacceptable que le système carcéral porte encore atteinte à la dignité de la personne et aux droits de l’humain. Et quelque soient les délits et crimes commis.

Le maintien des liens familiaux fait partie de ces droits fondamentaux dont toute personne ne doit jamais être privée.
Le maintien des liens familiaux est considéré comme la condition fondamentale de la réinsertion - ou insertion tout court, s'il-vous-plaît parlons vrai, insertion des personnes placées sous main de justice.
Ce maintien passe par l’accueil des familles pour permettre aux personnes détenues de conserver leurs rôle et leur statut et en particulier au sein de leur famille et assurer à leurs proches d'être reçus dans de bonnes conditions dans les établissements pénitentiaires.
Les personnes prévenues ont droit à au moins 3 visites par semaine.
Les personnes condamnées ont droit à au moins à 1 visite par semaine.

Ces visites au parloir qui structurent des vies…
3 jours de parloir par semaine, prendre rendez-vous via une borne numérique, faire plusieurs heures de route, être désinfecté.e puis contrôlé.e, fouillé.e, puis avoir 20 min/une demi-heure avec son proche détenu.

Tension permanente, aller vite au parloir, vite en repartir. On ne peut pas souhaiter un bon parloir, le bon parloir n’existe pas. C’est toujours un moment angoissant, stressant. On se sent seul.e dans l’entre-deux, entre l’intérieur et l’extérieur.



Toutes les études montrent par A + B que la prison est une fabrique de délinquants & de criminels. La prison est la marque d’une société dysfonctionnante.
Et comme le dit si bien Gabriel Mouesca : « S’il y avait 1 taulard par famille, la France voterait pour l’éradication de la prison ».

.

.

Date de publication 16.02.2022